La régénération est sans doute l’un des phénomènes biologiques les plus inspirants connus. L’histoire du canon occidental est peuplée de nombreux exemples de l’emprise aveugle et puissante exercée par la régénération sur l’esprit humain. Par exemple, lorsque Lazzaro Spallanzani a rapporté en 1768 que les escargots décapités régénèrent leur tête, les scientifiques, les philosophes et le public ont parcouru leurs jardins pour tenter de reproduire cette expérience fascinante (Odelberg, 2004). On a également découvert que les salamandres peuvent régénérer les membres et les queues (y compris la moelle épinière), tandis que les planaires peuvent régénérer des animaux entiers à partir de petits fragments de corps. Malgré l’intérêt de longue date porté à ce problème biologique et la connaissance que les animaux de tous horizons réalisent des exploits régénératifs, nous en sommes encore aux premiers stades de la description de ces événements en termes cellulaires, moléculaires et mécanistes. Cependant, les outils génétiques et moléculaires permettant de résoudre le problème de la régénération s’améliorent rapidement. Outre la curiosité qu’elle suscite habituellement, l’étude et la compréhension de la régénération pourraient avoir un impact considérable sur la pratique de la médecine.
Tout aussi pertinente est la compréhension découlant de l’étude des cellules souches, des cellules indifférenciées qui ont la capacité de se remplacer indéfiniment et de produire des types cellulaires spécialisés. Alors que les cellules souches embryonnaires se divisent et donnent finalement naissance à tous les types de cellules différenciées du corps, les cellules souches adultes provenant de tissus spécifiques sont normalement une lignée limitée à un ensemble spécifique de types de cellules. Pour qu’un animal adulte puisse remplacer les structures manquantes par une copie exacte de ce qui manque, il est clair que les programmes de développement doivent être redéployés. Cependant, la dynamique de la communication et de la prolifération cellulaire est très différente, tout comme les types de cellules impliqués. Pour réaliser la régénération, les animaux adultes peuvent invoquer la prolifération de cellules différenciées, l’activation de cellules souches de réserve, la formation de nouvelles cellules souches ayant une capacité limitée à s’auto-renouveller (cellules progénitrices) ou une combinaison de ces stratégies.
Quelles cellules chez un animal adulte se divisent et se différencient pour remplacer les multiples types de cellules requis lors d’une réponse régénérative ? Bien qu’il s’agisse d’une question très fondamentale, voire fondamentale, qui a été formulée et reformulée au fil des générations successives de biologistes, sa résilience face aux attaques expérimentales s’est révélée surprenante et, dans de nombreux cas, assez frustrante. Néanmoins, il est évident que différents tissus utilisent différentes stratégies pour parvenir à la réparation ou à la régénération tissulaire. Par exemple, le foie des vertébrés invoque une régénération compensatoire après l'ablation de deux lobes, le lobe restant proliférant pour réacquérir la masse tissulaire d'origine sans remplacer les lobes manquants. En fait, la régénération peut être compensatoire (foie), spécifique à un tissu (cœur, muscle squelettique, foie, pancréas, cristallin, rétine), ou elle peut reconstruire des structures complexes contenant plusieurs types de tissus et d'organes (par exemple, membres, nageoires, queues). . L’objectif des chercheurs qui étudient les organismes modèles de régénération est de découvrir comment ces animaux accomplissent naturellement la tâche apparemment impossible de restaurer les parties du corps perdues à la suite d’un traumatisme.